Le projet de loi C-10: Une erreur pour le Canada

19 mars 2012

Cherish Clarke, Co-Présidente (femme) – Le projet de loi C-10, la loi sur la sécurité des rues et des communautés, ou la loi omnibus sur la justice criminelle, vise à condamner les criminels de façon plus sévère et élimine la condamnation conditionnelle dans le système de justice canadien en faveur de peines minimales. Cette loi a été adoptée cette semaine et a été introduite par le gouvernement conservateur car elle est « ce que veulent les Canadiens ».

Les Canadiens veulent savoir que, dans leur société, la justice règne lorsque des crimes tels que la pédophilie et le meurtre sont commis. Nous habitons une société qui défend les droits des victimes et qui protège les familles. Dans les années ’70, les États-Unis ont pris des mesures similaires et la majorité des états ont introduit des peines minimales. Beaucoup de ces états ont adopté la loi des trois coups. En 2003, le gouverneur de la Californie, Arnold Schwarzenegger, a dit que « la loi des trois coups ne devrait pas être modifiée, il est prouvé qu’elle est une méthode excellente de dissuasion de crimes violents. »

Cependant, la Californie a récemment adopté une nouvelle idéologie, étant donné que sa population incarcérée est plus élevée que celles combinées de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, du Japon, du Singapour, et des Pays Bas. De plus, elle dépense 11% de son budget sur les prisons comparé à seulement 7.5% sur l’éducation supérieure. En 2010 – dans un revirement de sa position – l’ancien gouverneur Schwarzenegger a dit : « Quel message envoie-t-on lorsque notre état est plus focalisé sur les uniformes de prison que sur les l’éducation? Ce n’est simplement pas sain. »

Dans les 30 dernières années, la mentalité de la guerre contre les drogues a contribué à une hausse de la criminalité aux États-Unis:

Une comparaison entre les taux d’incarcération aux États-Unis et au Canada a été faite par Julian Falconer. Il a indiqué qu’il y a plusieurs variables à considérer lorsque les deux pays sont comparés mais, spécieusement, il a seulement employé les taux d’homicides dans son étude. Ceci démontre qu’entre les deux pays, les taux d’incarcération d’homicides ont été semblables.

Selon Corrections Canada (en 2004-2005), le Canada a dépensé, en moyenne, 88 000 de dollars pour chaque détenu; la même année, notre pays a dépensé seulement 8 000 de dollars par étudiant aux écoles primaires et secondaires. En suivant les paroles du gouverneur Schwarzenegger encore une fois, « quel message est envoyé… lorsque notre pays dépense vingt fois plus d’argent annuellement sur les prisonniers que sur les étudiants? »

La guerre contre la criminalité et les drogues a coûté très cher au gouvernement des américain et a coûté au-dessus de 50 milliards de dollars par an. Après 30+ ans de mauvaises décisions législatives, le gouvernement américain a réalisé qu’une différente stratégie était nécessaire. À travers le pays, les Américains ont décidé de mettre l’emphase sur les études supérieures et que ceci était la meilleure dissuasion contre la criminalité. Les programmes de réhabilitation (même en Texas) – et non les peines minimales – présentent des bénéfices au système de justice ainsi qu’à la citoyenneté en général. Le fait que le gouvernement américain a abrogé les Rockefeller drug wars dans l’état de New York prouve que cette nouvelle stratégie fonctionne.

« Les peuples autochtones sont parmi les Canadiens les plus pauvres. Leur taux de chômage est plus haut que la moyenne canadienne et leurs niveaux d’éducation sont plus bas. De plus, les autochtones sont les victimes de taux élevés de suicide, de l’abus de substances, de l’emprisonnement et d’autres problèmes sociaux. Ceci affecte énormément les sociétés et les économies des communautés autochtones ainsi que l’ensemble de la population canadienne. Études tels que « L’écart de revenu entre les peuples autochtones et le reste du Canada » du Centre canadien des politiques alternatives ont conclu qu’il existe une corrélation directe entre les niveaux d’éducation, de la pauvreté et de la criminalité. Le faible niveau d’éducation parmi les Premières Nations engendre des taux de pauvreté qui contribuent directement à une hausse dans la criminalité.

Entre 1996 et 2006, la population autochtone a augmenté de 45%, comparé à une hausse de 8% parmi la population non autochtone. En 2006, les peuples autochtones (comprenant les Premières Nations, les Inuits et les Métis) formaient un total de 4% de la population totale du Canada – mais 24% des admissions aux prisons provinciaux et territoriaux et 18% des admissions aux prisons fédéraux. Dans certains provinces et territoires, les taux d’incarcération parmi les autochtones monte jusqu’à 80% des détenus.

Ces taux d’emprisonnement demeurent élevés malgré plusieurs changements faits au code criminel incluant s. 81 « healing lodges », la s. 718.2(e) du code criminel et son applicabilité à travers le cas R. vs. Gladue. Les Premières Nations ont déjà une histoire troublée, qui comprend de la discrimination systémique et directe. Si l’emphase n’est pas mise sur la réintégration de leurs communautés en leurs rebranchant à leur culture et à leur identité, les peuples autochtones continueront à être massivement surreprésentés dans la population incarcérée. Actuellement, il y a deux fois plus d’argent dépensé dans le système pénitentiaire sur les heures supplémentaires des gardes de prison que sur les programmes de remédiassions. De plus, seulement 2% du budget pénitentiaire fédéral est dédié aux programmes pour autochtones. Il est clair que la justice de réintégration et de restauration ne reçoit pas les ressources financières qu’elle mérite. Sous la loi C-10, il y a zéro dollars dédiés aux programmes de prévention.

En 2005-2006, le budget correctionnel du gouvernement canadien était 1.6 milliards de dollars; aujourd’hui, elle a doublé – soit 3.2 milliards de dollars. Avec l’adoption de la loi C-10, le coût de notre système de justice augmentera assurément, tandis que la criminalité au Canada est au plus bas niveau depuis 1973 et il continue à baisser annuellement.

Nous devons réaliser qu’une menace d’incarcération n’est pas un bon moyen de dissuasion. Qui subira les conséquences de la loi C-10? Ce ne sera pas les criminels. Ce sera chaque Canadien, en tant que citoyen, et tous ceux qui perdront leurs maris, leurs femmes, leurs pères, leurs mères, leurs fils, leurs filles et leurs frères et sœurs. Les conséquences pour les familles canadiennes seront monumentales.

Plusieurs ont dit que le coût aux Canadiens pourra dépasser les milliards de dollars par année mais personne – incluant les avocats, les juges, le premier ministre, les députés, ou mêmes les citoyens – ne peut dire précisément ce que ce coût sera. Le directeur parlementaire de budget a indiqué que la loi C-10 ne coûtera probablement pas beaucoup au fédéral mais qu’elle deviendra principalement la responsabilité des provinces et des territoires. Il estime qu’elle coûtera approximativement 8 millions de dollars par année au niveau fédéral, mais que les provinces devront payer plus que 125 millions de dollars annuellement. Ces évaluations de la part du directeur parlementaire de budget n’incluent pas le coût de la construction de nouvelles prisons. Ces chiffres ont été formulés autour des changements aux convictions conditionnelles introduits par la loi C-10.

La loi C-10 marginalise plusieurs groupes de notre société, tels que ceux qui souffrent de maladies mentales et de l’abus des substances. La loi C-10 des conservateurs ne répond pas au lien entre les problèmes de toxicomanie et la santé mentale et la criminalité. De plus, elle menace les groupes les plus vulnérables de notre société, incluant les peuples autochtones du Canada.

Quant à la criminalité et la justice, le Parti libéral du Canada poursuit une stratégie qui est basée sur les faits, qui ne nous endette pas et qui favorise la prévention de crimes – et non une stratégie coûteuse, inefficace et basée sur une idéologie médiévale.

Si M. Harper désire que le Canada ressemble de plus en plus aux États-Unis, peut-être devrait-il apprendre (comme ils ont déjà appris) que leur idée était une erreur.